Le plan de Truschet et Hoyau, dit plan de Bâle, représente Paris vers 1550. Découvert en 1874 par Louis Sieber, conservateur de la Bibliothèque Universitaire de Bâle, parmi les fonds non inventoriés, il est constitué de huit planches en couleur, gravées sur bois, d’une dimension, une fois assemblées, de 96 sur 133 centimètres.

Ce plan, en vue cavalière, épouse les codes du XVIe siècle en tant que portrait de ville. Comme les portraits peints de personnages, la fonction de ces portraits est de « montrer, identifier une ville, par son image, ressemblante. Le « portrait » valorise la cité, témoigne s’il se peut, de son antiquité, de son étendue, de sa beauté [1]». Au XVIe siècle, ces portraits abondent en Europe. Dès 1493, « la Chronique de Nuremberg offre à un large public les « portraits » réalistes de 31 villes, dont plus de 20 concernent le Saint Empire et ses marges, de Lübeck à Constance, de Strasbourg à Cracovie et à Buda [2]».
Pour Paris, il faudra attendre 1530 pour disposer d’un « plan premier ». Ce plan est levé entre 1523 et 1530 par un véritable atelier privé qui continue à tenir à jour son ouvrage jusqu’en 1550 environ [3]. Ce « plan premier » est perdu mais tous les plans du XVIe siècle dont nous disposons en procèdent : le plan de Munster (gravé en 1548-1549) et le plan Braun et Hogenberg (publié en 1572) reflètent son état de 1530 ; le plan dit de la Grande Gouache (dessiné en 1540) et le plan de la Tapisserie (tissé vers 1570) son état de 1535 ; les plans d’Arnoullet (gravé en 1551), de Saint-Victor (gravé en 1552), de Truschet et Hoyau, dit plan de Bâle (gravé en 1553), et le plan de Belleforest (gravé en 1575), son état de 1550.
Aucun de ces plans n’est orienté comme aujourd’hui sur la méridienne, le nord vers le haut. Ils sont établis de telle manière que la Seine coule en leur milieu, de haut en bas, de l’amont vers l’aval, et que soit mises en valeur les trois composantes de l’espace urbain : la Cité en son milieu, la Ville sur la rive droite, l’Université sur la rive gauche. « Ce qui est essentiel, dans [ces] plans de Paris au XVIe siècle, c’est ce qui est figuré exactement – ou aussi exactement que possible – c’est-à-dire les fortifications et les portes, les rues et les principaux édifices, églises et palais. Le dessin des maisons, au contraire, est d’une manière générale, conventionnel […] leur forme importe moins que la forme de l’îlot. [4]»
Plusieurs déformations y sont admises. Tout d’abord, pour mettre en valeur la forme circulaire de la ville : « En produisant une représentation circulaire de la ville, la cartographie s’attache moins à rendre compte d’une spécificité topographique qu’à insérer Paris dans la tradition cartographique des villes « caput mundi », des capitales du monde. Au moins depuis le VIIIe siècle, la « circularité solaire » de certaines images urbaines, prise, selon Lucio Gambi, comme « symbole de perfection et de domination », s’applique plus particulièrement aux villes les plus parfaites et les plus centrales, que sont Jérusalem puis Rome. [5]»
D’autres déformations affectent la ville sur ses marges. Dans le plan de Bâle, « pour pallier l’étroitesse du champ à l’est et à l’ouest [donc en haut et en bas], les cartographes ont recours à des artifices graphiques : à l’ouest, le lit de la Seine est coudé à angle droit pour rentrer dans le cadre ; à l’est, l’extrémité du plan se fait vue perspective pour esquisser le profil d’une ligne de collines, ponctuée des villages de Belleville, Bagnolet, Bercy, Ivry, Vitry avec, dans le fond, la silhouette du pont de Charenton. [6]» En avant de cette ligne, l’espace qui sépare la Bastille de l’abbaye de Saint-Antoine puis celle-ci du château de Vincennes est fortement comprimé.
Ces conventions et ces artifices ne retirent rien à l’intérêt des plans du XVIe siècle. Ils représentent bien la ville, jusque dans les détails que le plan de Bâle invite à découvrir.
Le présent article s’intéressera à ce que ces détails révèlent des faubourgs de la ville, avant d’aborder le cœur de la cité. Comme dans les autres articles de ce site, on essaiera de situer les lieux sur un plan d’aujourd’hui. Pour cela, les références actuelles seront mentionnées en italiques après le signe |.
Pour percevoir les détails, un zoom est indispensable. La version disponible sur Wikimedia Commons (plan de Truschet et Hoyau) le permet grâce à une excellente résolution (en prenant le temps du chargement). L’idéal serait de lire cet article en multifenêtrage, pour pouvoir confronter le texte au plan de Truschet et Hoyau et au plan de la ville actuelle.
Pour se remémorer les étapes de constitution de l’espace urbanisé parisien jusqu’en 1550, on se référera aux autres articles de ce site, en particulier Paris 1450-1600, vue d’ensemble.
Entrer dans Paris : la porte Saint-Honoré

Venant de l’ouest [donc en bas], on entre dans la ville par la porte Saint-Honoré.
Le premier repère est ici, à la limite du plan, le village du Roule | à situer aux abords de l’actuelle église Saint-Philippe-du-Roule, d’où part une rue-faubourg | sur le tracé de l’actuelle rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Après avoir franchi le grand égout, qu’on voit rejoindre la Seine à droite, aux abords du village de Chaillot | là où se situerait aujourd’hui la place de l’Alma, elle traverse des terres de cultures ou de maraîchage, que surplombent des moulins à vent (vers 1550, on en compte une trentaine autour de Paris) [7].
A l’approche de l’enceinte, une zone bâtie apparaît, qui s’élargit le long de voies parallèles à la muraille. On y aperçoit des cours et jardins, des arbres, un puits. Vers la droite, on identifie le lieu-dit « les Tuileries » où Catherine de Médicis fera bientôt bâtir son palais. Vers la gauche, un marché aux pourceaux, avec un gibet | à situer vers l’actuelle rue de Richelieu.
Passé la porte Saint-Honoré | à hauteur du n° 161 de la rue Saint-Honoré, non loin du Palais-Royal [8], le tissu devient de plus en plus dense.
Immédiatement à droite, on repère l’hospice des Quinze-Vingts. Etabli là depuis sa fondation vers 1260 par Saint Louis, il migrera en 1780 rue de Charenton, où il est encore aujourd’hui [9].
Un peu plus loin, sur la gauche, l’église Saint-Honoré | à hauteur des n° 176 à 184 de la rue Saint-Honoré. Fondée en 1204, elle est desservie à partir de 1214 par des chanoines, dont on voit les logis enserrant la cour du cloître [10].
En face, le réseau des rues parallèles qui se sont construites aux abords de la forteresse du Louvre, qu’on aperçoit aux abords de la rivière. A cette époque, la résidence royale couvre une partie (le quart sud-ouest) de l’actuelle Cour Carrée.
A proximité du Louvre, la Tour-qui-fait-le-Coin, de l’ancienne muraille de Philippe-Auguste, raccordée par un mur longeant la Seine à la Tour-de-Bois de l’enceinte de Charles V.
Tout ce quartier s’est bâti à partir de 1190 en dehors de la muraille de Philippe-Auguste, qui s’ouvrait à la première porte Saint-Honoré | à hauteur du n° 150 de la rue Saint-Honoré. Il ne s’est trouvé protégé par une nouvelle enceinte, celle de Charles V, qu’à la fin du XIVe siècle.
Entrer dans Paris : la porte Montmartre

Le plan expose ici les faubourgs qui se sont développés aux abords de la porte Montmartre | à situer aux n° 30-32 de la rue Montmartre.
Sont cités le village de Clignancourt ; l’abbaye des Dames de Montmartre, fondée en 1133 ; la ferme de la Grange-Batelière | à peu près à l’emplacement de l’actuel Hôtel-Drouot ; le hameau des Porcherons, formé autour du château du Coq | au sud de la rue Saint-Lazare, à hauteur de l’avenue du Coq ; le village de la Ville-l’Evêque | autour de l’actuelle rue du même nom.
Un grande partie de ces faubourgs est dissimulée par un cartouche qui contient, en vers, une louange de Paris.
Entrer dans Paris : les portes Saint-Denis et Saint-Martin

Au nord [donc à gauche], on entre dans la ville par les portes Saint-Denis et Saint-Martin.
A la limite du plan, le premier repère est ici l’église Saint-Laurent – qui, à cette époque, donne son nom au faubourg qui l’entoure. Grégoire de Tours signale l’existence d’un établissement monastique à cet endroit dès 558 | à situer au lieu même de l’église actuelle, au n° 119 de la rue du Faubourg-Saint-Martin, dans le quartier de la gare de l’Est. Accolé à l’église, au nord [à gauche], le cimetière Saint-Laurent, entouré de maisons | à l’emplacement actuel de la rue Sibour [11].
A la limite du plan également, Saint Ladre | à hauteur du n° 107 de la rue du Faubourg-Saint-Denis. Cette maladrerie accueille les malades de la lèpre depuis le XIIe siècle. « En raison de la volonté d’éviction des lépreux, leurs établissements furent toujours situés hors de l’enceinte des bourgs et des villes, mais souvent au voisinage des portes, et même directement en bordure des routes ; ils pouvaient ainsi bénéficier plus facilement des aumônes, de la part tant des habitants que des simples passants. [12]» C’est en vertu d’un privilège accordé en 1110 par Louis VI aux frères hospitaliers que se tenait, à proximité, la foire Saint-Lazare, de la Saint Marcel (3 novembre) à la Saint Martin (11 novembre). En 1181, Philippe II Auguste transfèrera cette foire à la Halle aux Champeaux [13].
Autour de ces établissements, les faubourgs présentent un tissu urbain peu dense, où prédominent les jardins, les maisons se concentrant en bordure des voies menant aux portes de la ville ou parallèles aux remparts. Traversant les faubourgs, le grand égout.
Dans la ville, passé la porte Saint-Martin | à hauteur des n° 355-357 de la rue Saint-Martin, on aperçoit le prieuré de Saint-Martin-des-Champs et au-delà le réseau des rues parallèles bâties au XIIIe siècle (voir Saint Martin des Champs et le Temple 1000-1300).
Passé la porte Saint-Denis | à hauteur des n° 246-248 de la rue Saint-Denis, on identifie le couvent des Filles-Dieu, établi là depuis 1360 [14]. Devant ce couvent, la fontaine du Ponceau | rue du Ponceau, prend son nom du petit pont franchissant l’égout que l’on voit courir intra-muros entre les maisons, en parallèle au rempart, jusqu’à rejoindre, extra-muros, le grand égout à hauteur de la Grange-Batelière.
Entre les rues Saint-Denis et Saint-Martin, un tissu urbain assez dense, sauf le cimetière de la Trinité et quelques cours intérieures, où l’on peut repérer un puits | tous ces îlots centraux sont aujourd’hui traversés par le boulevard de Sébastopol.
Entrer dans Paris : la porte du Temple

Au nord-est [en haut, à gauche], on entre dans la ville par la porte du Temple.
Dans les faubourgs, peu de constructions, sauf le hameau de la Courtille | autour du carrefour actuel des rues Saint-Maur et du Faubourg-du-Temple.
A l’écart, le gibet de Montfaucon | qui s’élève dans un quadrilatère que définiraient aujourd’hui le canal Saint-Martin, les rues des Ecluses-Saint-Martin, de la Grange-aux-Belles et Louis-Blanc [15].
A proximité de la porte, le « bastillon » est la base d’un des futurs bastions de l’enceinte qui prendra le nom de Charles IX. Si les travaux d’envergure n’ont débuté qu’en 1553, des chantiers d’urgence, commandés par la menace que Charles-Quint faisait peser sur Paris, ont été menés dès 1523, et entre 1536 et 1544 [16].
Passé la porte du Temple | à hauteur de l’actuel n° 180 de la rue du Temple, l’enclos du Temple se déploie immédiatement à gauche. Il était protégé par une enceinte fortifiée en forme de trapèze | qui s’inscrirait aujourd’hui entre les rues du Temple, de la Corderie, de Picardie et de Bretagne. On aperçoit l’église, le donjon, les bâtiments conventuels.
A proximité immédiate, sur la rue Portefoin, les Enfants Rouges sont l’un des tout premiers établissements destinés à l’accueil des orphelins, fondé par François Ier en 1536 [17].
Au sud [à droite], l’espace urbanisé de la Ville-Neuve du Temple, bâtie à partir de la fin du XIIIe siècle, côtoie les marais du Temple, vaste zone de terres de culture et de maraîchage.
Entrer dans Paris : la porte Saint-Antoine

A l’est [en haut], on entre dans la ville par la porte Saint-Antoine, que jouxte la Bastille.
En s’engageant rue Saint-Antoine, on rencontre tout d’abord [à gauche sur le plan] l’hôtel d’Angoulême et les Tournelles, résidence du duc de Bedford de 1427 à 1434, durant l’occupation anglaise, ensuite revenu à la famille d’Orléans. François Ier, qui en hérite de son père Charles d’Orléans, le réunit à la Couronne. Il fera de l’hôtel d’Angoulême la résidence de sa mère, jusqu’à ce qu’elle privilégie une habitation du côté du Louvre | le terrain des Tournelles est aujourd’hui occupé par la place des Vosges.
Un peu plus loin, Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers. Cet ensemble | inscrit dans un quadrilatère suivant les actuelles rues Saint-Antoine, de Sévigné, de Jarente et de Turenne, comprend un cloître, des bâtiments conventuels, la maison du prieur entourée d’un jardin, un réfectoire et un petit cimetière (sur son origine, voir Saint-Paul 1000-1300).
Au-devant, le plan représente l’orme et la croix qui seront enlevés en juin 1559, au moment où l’espace compris entre Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers et la Bastille – sur ce tronçon, la rue Saint-Antoine s’élargit de 10,50 mètres à 22 mètres, largeur considérable pour l’époque [18] – sera aménagé pour accueillir un carrousel, dans le cadre des festivités organisées pour fêter le mariage de la sœur du roi Henri II, Marguerite, avec le duc Emmanuel-Philibert de Savoie, et de sa fille, Elisabeth de France, avec Philippe II, roi d’Espagne. C’est au cours de ce carrousel que Henri II sera blessé à mort dans sa joute avec le capitaine de sa garde écossaise, Gabriel de Montgomery [19].
En face de Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers, on repère l’ancienne résidence royale Saint-Pol, constituée par Charles V entre 1361 et 1365 par la réunion de plusieurs hôtels : l’hôtel de Beautreillis, l’hôtel de la Reine (identifiée sur le plan), l’ancien hôtel des archevêques de Sens dont le roi fera sa résidence de prédilection (en bord de Seine) | cette résidence royale s’inscrit dans un quadrilatère que délimiteraient aujourd’hui la rue Saint-Antoine, la rue Saint-Paul, la Seine et la rue du Petit-Musc (dénommée rue des Célestins sur le plan). Après Charles V, Charles VI y passe l’essentiel de ses jours, jusqu’à sa mort en 1422. La reine Isabeau y meurt en 1435. En 1450, le domaine est délaissé (voir Paris 1300-1450, vue d’ensemble). Le plan de Bâle est contemporain du moment où les hôtels sont vendus et lotis sur décision de François Ier (voir La Couture Sainte-Catherine). Est alors ouverte la rue Neuve-Saint-Pol | rue Charles V, présente sur le plan, que suivront bientôt la rue des Lions-Saint-Paul | rue des Lions et la rue Beautreillis.
Un peu plus haut sur le plan, on repère le couvent des Célestins, installé là depuis 1352. L’église, les bâtiments conventuels et les jardins se déploient en bordure de Seine | dans un espace que délimiteraient aujourd’hui les rues du Petit-Musc, de la Cerisaie, de l’Arsenal et de Sully [20].
Entrer dans Paris : la Porte Bordelle

Au sud-est (en haut, à droite), se déploient les faubourgs Saint-Marcel et Saint-Médard.
Les repères sont ici la Bièvre et la rue Mouffetard, sur le tracé de l’ancienne voie romaine qui arrivait d’Italie.
Le bourg Saint-Marcel se situe avant le passage de la Bièvre, qu’on reconnaît à son cours sinueux. Mentionné pour la première fois en 1158, ce bourg | à situer à hauteur du carrefour des Gobelins, a pour origine lointaine une nécropole attestée à l’époque gallo-romaine, où une chapelle primitive semble avoir été construite au IIIe siècle. Dans les époques de troubles, il a été fortifié. Le plan montre un réseau de rues, bâties autour de l’église Saint-Marceau | à hauteur des n° 79 à 83 du boulevard Saint-Marcel. De vastes espaces y sont encore en terres de cultures et en jardins, où l’on aperçoit des arbres et des puits.
Passé la Bièvre | à hauteur de la rue Bazeilles, la route traverse le bourg Saint-Médard. « La découverte, en 1978, de nombreux sarcophages mérovingiens conduit à remonter dans le temps l’origine de Saint-Médard, dont l’existence n’était attestée jusqu’à présent que par un acte de fondation d’une chapellenie, vers 1140 [21]». A proximité de l’église | au lieu même de l’église actuel, le plan mentionne « lechan dalbia » : il s’agit du clos d’Albiac où se forme un quartier nouveau à partir de 1529 | ce quartier s’inscrit dans un périmètre défini par les rues Gracieuse, Lacépède, Geoffroy-Saint-Hilaire et Daubenton. Le plan mentionne également plusieurs rues – « la grant r. s. marceau » | rue Mouffetard, la « r. des postes » | rue Lhomond… – où se déploie une urbanisation encore très peu dense, avec de nombreux cours et jardins (voir Le développement des faubourgs 1450 1600). Vers 1550, cette urbanisation atteint, en limite du plan, l’abbaye des Cordelières | à hauteur de l’hôpital Broca.
La grand rue Saint-Marceau débouche sur la porte Bordelle (aussi dénommée Saint-Marcel ou Saint-Marceau) | à hauteur des n° 47-49 de la rue Descartes.
Une autre voie contourne les bourgs Saint-Marcel et Saint-Médard, qui permet d’accéder à Paris par une autre porte : la porte Saint-Victor | à hauteur du n° 5 de la rue des Ecoles. Cette voie | les actuelles rues Geoffroy-Saint-Hilaire, Linné et Jussieu, dessert l’abbaye de Saint-Victor, fondée en 1113 par Guillaume de Champeaux. On aperçoit l’église et les bâtiments conventuels | sur l’emplacement actuel de la faculté de Jussieu.
Entrer dans Paris : la porte Saint-Jacques

Au sud [à droite], les repères sont les portes Saint-Jacques et Saint-Michel.
Hors les murs, on découvre ici un espace encore peu urbanisé, où prédominent les terres de culture et les jardins. Les constructions se déploient principalement le long de la rue Saint-Jacques, depuis Notre-Dame-des-Champs, en limite de plan | à hauteur du n° 284 de la rue Saint-Jacques [22], jusqu’à la porte Saint-Jacques | à hauteur du n° 172 de la rue Saint-Jacques, en passant par l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas | à l’emplacement même de l’actuelle église.
Un autre cheminement, parallèle | qui suivrait aujourd’hui la rue Henri-Barbusse et le boulevard Saint-Michel, permet d’accéder à Paris par une autre porte : la porte Saint-Michel | à hauteur du n° 53 du boulevard Saint-Michel. On repère, sur ce cheminement, le couvent des Chartreux | dont l’entrée se situerait aujourd’hui au n° 64 du boulevard Saint-Michel [23], installé là depuis 1257.
Passé la muraille, on entre dans le quartier de l’Université (voir Au pied de la montagne Sainte-Geneviève 1000 1300). On y retrouve (en décryptant l’orthographe de l’époque) les différents collèges : aux abords de la porte Saint-Michel, à gauche, le collège d’Harcourt, le collège de Justice ; à droite, le collège de Cluny, le collège de Narbonne : à proximité, la Sorbonne, le collège de Calvi ; au-delà, sur la rue Saint-Jacques, le collège de Marmoutier, le collège du Plessis ; au-delà encore, le collège de Lisieux, le collège Sainte-Barbe [24]…
Entre les portes Saint-Michel et Saint-Jacques, le couvent des Jacobins est accolé au rempart | il s’inscrit dans un périmètre que définiraient aujourd’hui les rues Saint-Jacques, Cujas, le boulevard Saint-Michel et une ligne rejoignant les deux portes. On y voit l’église, les bâtiments conventuels, l’école et l’infirmerie. Les dominicains s’installent là en 1218, à peine deux années après que le pape Innocent III a reconnu l’ordre fondé par Saint Dominique. L’invocation à Saint Jacques de la chapelle de l’hospice explique qu’on donne bientôt aux frères le nom de Jacobins [25] (ce couvent ne doit pas être confondu avec celui des dominicains de la rue Saint-Honoré où le club des députés bretons, constitué à Versailles, se transporte en 1789 pour y former la Société des amis de la Constitution, connu sous le nom de club des Jacobins).
Entrer dans Paris : la porte de Buci

Au sud-ouest [en bas], le plan expose le bourg de Saint-Germain-des-Prés, qui s’est constitué autour de l’abbaye, fondée en 556 par Childebert Ier (voir Paris du Ve au Xe siècle) : elle apparaît au premier plan, protégée par une enceinte entourée d’un fossé | qui s’inscrirait aujourd’hui dans le périmètre défini par les rues Saint-Benoît, Jacob, de l’Echaudé et le boulevard Saint-Germain. A proximité, on aperçoit la foire Saint-Germain | à l’emplacement actuel du marché Saint-Germain, l’église Saint-Sulpice, église paroissiale du bourg | au lieu même de l’église actuelle, et son cimetière.
A l’entour, le bourg s’est développé à partir des voies d’accès aux portes : la porte de Buci, | à hauteur des n° 57-59 de la rue Saint-André-des-Arts, percée dans l’enceinte de Philippe-Auguste dès sa construction entre 1200 et 1215, puis murée en 1430, et réouverte par François Ier en 1539 ; la porte Saint-Germain, percée en 1240 | à hauteur du n° 187 du boulevard Saint-Germain. Vers 1550, l’espace urbanisé s’étend jusqu’à la rue de Vaugirard (qui porte déjà ce nom) et jusqu’à un important carrefour que surmonte une croix | le carrefour de la Croix Rouge, dénommé depuis 2005 place Michel-Debré, d’où partent six chemins | les chemins qui convergent à ce carrefour sont à l’origine du tracé actuel des rues du Four, du Vieux-Colombier, du Cherche-Midi, de Sèvres, de Grenelle et du Dragon.
A l’inverse, l’espace entre l’abbaye et la Seine est à peu près vide de constructions. Jouxtant le Pré-aux-Clercs, font exception les îlots coupés par la rue de Seine (qui porte déjà ce nom), nés du lotissement du Séjour de Nesles (voir plus bas).
A l’intérieur des remparts, le tissu urbain se densifie. Passé la porte de Buci, on aperçoit à droite le couvent des Cordeliers | à situer à l’intérieur du quadrilatère que forment aujourd’hui les rues Monsieur-le-Prince, Antoine-Dubois, de l’Ecole-de-Médecine et Racine (en incluant sa rive sud) [26]. Fondé en 1230 par les franciscains, ce couvent est accolé au rempart. Il en subsiste aujourd’hui le réfectoire et les cuisines.
En face des Cordeliers, on repère le collège de Bourgogne, un peu plus loin, l’hôtel de Nevers. En bordure de Seine, le couvent des Augustins | à situer dans un périmètre que définiraient le quai et la rue des Grands-Augustins, la rue du Pont-de-Lodi (en incluant sa rive sud) et la rue Dauphine [27], installé en ces lieux depuis 1299, est voisin de l’hôtel de Nesles | à situer entre les n° 11 et 25 du quai de Conti. Bâti au XIIIe siècle par Simon de Clermont, seigneur de Nesles, il sera l’une des résidences du duc de Berry (1340-1416), frère de Charles V, qui fera construire « en 1385, de l’autre côté du rempart et de son fossé, un ensemble, appelé le Séjour de Nesles, qu’un pont, franchissant le fossé constitué ici par un petit bras mort de la Seine, réunissait à l’hôtel de Nesles. [28]» De cet ensemble, ne subsistent plus vers 1550, que la porte de Nesles et le pont– à côté de la tour de Nesles bâtie en même temps que la muraille de Philippe Auguste.
Dans Paris
Dans le cœur de Paris, le repère premier est l’île de la Cité.

Dans sa partie occidentale, on identifie, au sein du Palais de Justice, la Sainte-Chapelle, la Conciergerie, la Chambre des Comptes, le Jardin du Roi | à l’emplacement actuel de la place Dauphine.
Au-devant du Palais, le tissu urbain, constitué depuis l’origine, souffre peu de modifications au XVIe siècle. Aux côtés du prieuré Saint-Eloi, de nombreuses églises (l’île compte quinze paroisses). Le plan identifie Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-des-Arcis, Saint-Germain-le-Vieux, Sainte-Madeleine. A proximité du Petit-Pont, l’Hôtel-Dieu surplombe le petit bras de la Seine
Cinq ponts assurent le passage entre les deux rives. Depuis la rive droite : le Pont-aux-Meuniers, sous lequel tournent des moulins à eau (on en voit également sous le Pont-au-Change et sous des pontons avançant sur la Seine à proximité de la rue des Barres et de la place de Grève) [29] ; le Pont-au-Change, en bois, dont la dernière reconstruction date de 1296, où sont les boutiques très achalandées des orfèvres, des joaillers et des changeurs ; le Pont-Notre-Dame, reconstruit en pierre en 1512 après son effondrement en 1499, dont la double rangée de maisons régulières suscite une admiration immédiate des contemporains. Vers la rive gauche : le Petit-Pont, rebâti en pierre en 1409 ; le Pont-Saint-Michel, rebâti en bois en 1408, qui s’effondrera à nouveau en décembre 1547, heurté par un bateau [30].

La partie orientale de l’île de la Cité est dominée par Notre-Dame-de-Paris, accostée au sud [à droite] du palais épiscopal. Au nord et à l’est, le « cloitre Notre-Dame » est un quartier clos (on en voit les portes) où résident les chanoines qui forment le chapitre cathédral. A la pointe : « le Terrain » aussi dénommé « Motte aux Papelards » est un espace en friche.

Sur la rive droite, on repère en premier lieu la place de Grève et le nouvel Hôtel-de-Ville. « Le plan de Bâle est le seul plan du XVIe siècle qui présente le nouvel Hôtel de Ville encore inachevé, avec un simple rez-de-chaussée, à l’exception de l’étage qui surmonte le pavillon de l’arcade Saint-Jean. [31]» Derrière, l’église Saint-Jean-en-Grève | que recouvre aujourd’hui la façade orientale de l’Hôtel-de-Ville et la rue Lobau qui la longe [32], et l’église Saint-Gervais | en son emplacement actuel. Au-delà, la rue des Barres a conservé son nom jusqu’à aujourd’hui. En bordure de Seine, les ports de la Grève et la rue de la Mortellerie | rue de l’Hôtel-de-Ville, artère principale de l’ancien bourg des bateliers du monceau Saint-Gervais. La berge qui abritait le port au Foin a été pourvue en 1551 d’un quai maçonné avec des descentes vers la rivière, bien visibles sur le plan.

Toujours sur la rive droite, on repère également les Halles, implantées en bordure de la rue Saint-Denis depuis la décision prise en 1137 par Louis VI le Gros (1108-1137) d’installer un « marché neuf » sur le territoire des Champeaux (voir Les Champeaux 1000 1300). Le plan de Braun et Hogenberg est plus précis sur le détail des bâtiments que celui de Truschet et Hoyau, qui permet toutefois de bien identifier les piliers des Halles, près le pilori, la halle au blé, la friperie, la boucherie de Beauvais, la lingerie (qui abritait les lingères, les cordonniers, les merciers). Le plan ne porte pas trace de la rénovation d’ensemble entreprise en 1550.
A proximité des Halles, on identifie, en bas à gauche, la première église Saint-Eustache | à l’emplacement de l’église actuelle, où aboutissent les rues des Etuves | rue Sauval, du Four | rue Vauvilliers, des Prouvaires. Le plan ne porte pas trace de la construction de la nouvelle église, dont la première pierre a été posée le 19 août 1532 et dont le transept et quatre des chapelles du chœur sont achevés en 1545.
De l’autre côté des Halles, le cimetière des Innocents | qui s’inscrirait aujourd’hui dans un périmètre défini par les rues Saint-Denis, Berger, de la Lingerie et de la Ferronnerie.

Sur la rive gauche, le tissu urbain qui s’est constitué lors de l’urbanisation des clos (voir Au pied de la montagne Sainte-Geneviève 1000 1300) a pour centre la place Maubert, où l’on aperçoit une croix et un gibet | à l’emplacement du carrefour qui porte aujourd’hui ce nom, en un lieu bouleversé par la percée du boulevard Saint-Germain. Plusieurs rues ont conservé leur nom jusqu’à aujourd’hui : la rue de Bièvre ; la rue des Bernardins, par où on accède au collège du même nom, établi là depuis 1248 ; la rue Jean-de-Beauvais ; la rue des Carmes, où le couvent des Carmes s’est installé en 1318… A proximité, on repère le célèbre collège de Navarre, fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel | à hauteur des n° 5 à 21 de la rue Descartes, sur l’emplacement qui a été celui de l’école Polytechnique entre 1805 et 1976.
BIBLIOGRAPHIE
BABELON Jean-Pierre, Nouvelle Histoire de Paris : Paris au XVIe siècle, Paris, Association pour la publication d’une Histoire de Paris, Hachette, 1986, 626 p.
BOUTIER Jean, Les plans de Paris, des origines (1493) à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2007, 431 p.
BRUNEL Georges, DESCHAMPS-BOURGEON Marie-Laure, GAGNEUX Yves, Dictionnaire des églises de Paris, Paris, Hervas, 2000, 435 p. [1995]
DERENS Jean, Le plan de Paris par Truschet et Hoyau, dit Plan de Bâle, Zurich, Editions Seefeld, 1980, 90 p.
FIERRO Albert, Histoire et dictionnaire de Paris, Paris, Robert Laffont, 1996, 1220 p.
FIERRO Albert, Histoire et dictionnaire des 300 moulins de Paris, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 1999, 186 p.
GAGNEUX Renaud, PROUVOST Denis, Sur les traces des enceintes de Paris, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2004, 241 p.
HILLAIRET Jacques, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, Editions de Minuit, 1963, 3 vol.
LAGET Pierre-Louis, LAROCHE Claude, DUHAU Isabelle et al., L’hôpital en France, du Moyen Age à nos jours, histoire et architecture, Lyon, Editions Lieux-dits, 2016, 592 p.
LORENTZ Philippe, SANDRON Dany, Atlas de Paris au Moyen Age. Espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2006, 237 p.
PINON Pierre, LE BOUDEC Bertrand, Les plans de Paris, histoire d’une capitale, Paris, Editions Le Passage / BNF / Atelier Parisien d’Urbanisme / Paris bibliothèques, 2004, 135 p.
ROULEAU Bernard, Le tracé des rues de Paris, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1975, 129 p. [1967]
NOTES
[1] PINON 2004, p. 10
[2] BOUTIER 2007, p. 10
[3] DERENS 1980, p. 12
[4] DERENS 1980, p. 67
[5] BOUTIER 2007, p. 14
[6] PINON 2004, p. 32
[7] FIERRO 1999, p. 79
[8] Pour l’emplacement des portes sur le plan actuel, la source est GAGNEUX 2004.
[9] HILLAIRET 1963, II p. 425
[10] HILLAIRET 1963, II p. 431
[11] HILLAIRET 1963, I p. 512
[12] LAGET 2016, p. 55
[13] HILLAIRET 1963, I p. 500
[14] HILLAIRET 1963, II p. 398-400
[15] HILLAIRET 1963, I p.601
[16] GAGNEUX 2004, p. 84 et 86
[17] LAGET 2016, p. 53
[18] ROULEAU 1975, p. 62
[19] HILLAIRET 1963, II p. 378
[20] HILLAIRET 1963, I p. 632
[21] BRUNEL 2000, p. 299
[22] HILLAIRET 1963, I p. 629
[23] HILLAIRET 1963, II p. 475
[24] Pour l’emplacement des collèges, voir carte dans LORENTZ 2006, p. 172
[25] LORENTZ 2006, p. 147
[26] LORENTZ 2006, p. 145
[27] LORENTZ 2006, p. 149
[28] HILLAIRET 1963, I p. 383
[29] FIERRO 1999
[30] BABELON 1986, p. 111-116 et 223-224
[31] BOUTIER 2007, p. 86
[32] HILLAIRET 1963, II p. 50
L’ensemble du contenu de cet article, sauf exception signalée, est mis à disposition sous licence CC BY NC ND.
2 réflexions sur “Paris vers 1550 : le Plan de Truschet et Hoyau”
Comments are now closed.