Les temps qui courent du Ve au Xe siècle sont des temps obscurs. Les sources sont rares, lacunaires, même si, à partir du VIe siècle, on peut commencer à s’appuyer sur des documents écrits : récits et chroniques, tels ceux du moine Abbon ou de Grégoire de Tours ; et surtout, chartes et diplômes conservés dans les archives (Archives Nationales, Bibliothèque Nationale…). Les chartes – telles les donations ou constitutions de prébendes, les confirmations de biens ou privilèges octroyés aux grands établissements religieux par les rois, les évêques ou les papes – révèlent l’existence de bourgs, de propriétés, de communautés, donnent quelques repères sur le réseau viaire, même si les rues ne sont désignées que par des expressions vagues ou des périphrases jusqu’au XIIsiècle (voir Histoire de l’urbanisation de Paris : les sources).

Que sait-on dès lors de l’espace urbanisé parisien durant ce haut Moyen Age ?

Le cœur de la ville est désormais dans l’île de la Cité, où se trouvent les lieux de pouvoir.

Le pouvoir civil, d’abord. Paris – désignée à partir du IIIe siècle comme civitas ou urbs Parisiorum [1]  et qui prend son nom actuel à la fin du Ve siècle [2] – est, depuis Clovis, autour de 500, et jusqu’à la mort de Dagobert, en 639, l’une des capitales des royaumes mérovingiens. Après cette date, quand Metz et Liège deviennent capitales puis, avec les Carolingiens, Aix-la-Chapelle, Paris n’est plus qu’un chef-lieu [3]. Mais l’île de la Cité conserve son importance stratégique. Les comtes carolingiens y résident, dans l’ancien palais où séjournèrent, avant les rois mérovingiens, les gouverneurs romains et l’empereur Julien au IVe siècle [4].

Dagobert reçoit le royaume des Francs par les évêques et les grands de Burgondie. Grandes Chroniques de France, XIVe siècle.

Le pouvoir religieux ensuite. L’est de l’île est le domaine de l’évêque. Sa puissance s’y manifeste dans la cathédrale Saint-Etienne, « édifice considérable […] formé d’une large nef flanquée de quatre collatéraux, de plus de 35 mètres de large sur au moins 70 mètres de long, construit par Childebert Ier dans la première moitié du VIe siècle [5] ».

De nombreuses églises attestent, sur les deux rives, du poids de l’Eglise.

Rive droite, les églises Saint-Paul, Saint-Gervais, Saint-Merri, Saint-Germain-l’Auxerrois, qu’entourent des nécropoles, occupent les monceaux du bord de Seine [6] tandis que, vers le nord, une église du VIIe siècle est attestée sur le site de Saint-Martin-des-Champs [7] .

Rive gauche, les églises Notre-Dame-des-Champs, Saint-Etienne-des-Grès, Saint-Symphorien-des-Vignes, Saint-Serge-et-Saint-Bacchus et Saint-Benoit-le-Bétourné et, au plus près de la Seine, Saint-Séverin et Saint-Julien-le-Pauvre, se succèdent sur l’axe actuel de la rue Saint-Jacques [8], tandis qu’au sud-est, au passage de la Bièvre – le gué se trouvait à l’emplacement actuel de la rue Bazeilles – une vaste nécropole, formée dès le IIIsiècle, entoure les églises Saint-Martin, Saint-Hyppolyte et Saint-Marcel.

Rive gauche, il faut surtout évoquer deux fondations du VIe siècle.

A proximité de l’ancien forum, la basilique des Saints-Apôtres est fondée par Clovis en 507, au voisinage de la nécropole où Sainte Geneviève a été enterrée. Cette basilique accueillera la sépulture de Sainte Geneviève – qui lui donnera son nom – puis celles de Clovis et de sa femme, Clotilde [9].

A l’ouest de la ville, sur le monceau de Saint-Germain-des-Prés, une basilique est fondée par Childebert Ier en 556, pour abriter deux reliques que le roi a rapportées d’Espagne : de Tolède un fragment de la vraie Croix, et de Saragosse la tunique de Saint Vincent. Autour de la basilique-reliquaire, on commencera à construire des bâtiments monastiques vers la fin du VIe siècle. Une nécropole de plus en plus étendue se développera alentour. La basilique sera aussi une nécropole royale : plusieurs rois mérovingiens et leur famille s’y feront inhumer jusqu’à Dagobert (qui choisira Saint-Denis). En 576, le corps de Saint Germain, l’évêque de Paris,  y sera transporté. L’abbaye prendra alors son nom de Saint-Germain-des-Prés [10].

A ces églises faut-il associer des noyaux d’habitat ? On a peu d’éléments pour répondre. Il est probable que l’espace urbanisé de la rive gauche s’étende le long de la rue Saint-Jacques, réoccupant une partie de la ville romaine. Sur la rive droite, les habitats sont sans doute plus rares, concentrés en bordure de fleuve. Peut-être, dès cette époque, entre Saint-Gervais et Saint-Jacques, l’anse portuaire de la Grève est-elle devenue le point de ralliement des bateliers et des marchands, sans qu’on en ait de certitude

Quelles que soient les lacunes de nos connaissances, et elles sont donc nombreuses, il apparaît bien que, durant cette période de cinq siècles, des éléments essentiels du paysage parisien se mettent en place : la centralité de l’île de la Cité, avec ses deux pôles des pouvoirs civil et religieux ; un premier développement de la rive droite ;  la fondation de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés.

Cette lente mise en place de la ville, ce lent mouvement d’expansion urbaine vont être brutalement interrompus par les raids normands du IXe siècle. Toutes les occupations de la rive droite et de la rive gauche vont être ruinées. Paris ne subsistera alors que dans l’île de la Cité.

CARTE

Michel Huard, Atlas historique de Paris, La ville mérovingienne

BIBLIOGRAPHIE

DUVAL Paul-Marie, Nouvelle Histoire de Paris : De Lutèce oppidum à Paris capitale de la France, Paris, Association pour la publication d’une histoire de Paris, Hachette, 1993, 402 p.

FAVIER Jean, Paris, deux mille ans d’histoire, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1997, 1007 p.

LAVEDAN Pierre, Nouvelle Histoire de Paris : Histoire de l’urbanisme à Paris, Paris, Association pour la publication d’une Histoire de Paris, 1993, 732 p. (avec un supplément de Jean Bastié) [1ère édition 1975]

POISSON Georges, Nouvelle Histoire de Paris : Histoire de l’architecture à Paris, Paris, Association pour la publication d’une Histoire de la ville de Paris, Hachette, 1997, 765 p

ROULEAU Bernard, Paris. Histoire d’un espace, Paris, Editions du Seuil, 1997, 492 p.

NOTES

[1] DUVAL 1993, p. 20

[2] FAVIER 1997, p. 30 – ROULEAU 1997, p. 33

[3] FAVIER 1997, p. 30

[4] DUVAL 1993, p. 317

[5] LAVEDAN 1993, p. 88

[6] ROULEAU 1997, p. 39

[7] POISSON 1997, p. 18

[8] ROULEAU 1997, p. 39

[9] ROULEAU 1997, p. 38

[10] ROULEAU 1997, p. 36

ILLUSTRATION

Bibliothèque municipale de Castres via Wikimedia Commons.

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