Au nord de Saint-Germain-l’Auxerrois, se dresse vers l’an mille le territoire des Champeaux. A l’époque de Lothaire (954-986), « en Champeaux n’avoit nule rien, tout estoit vingne et boscage, par tot faisoit hon gaagnage [1] ».
Ce territoire vide, situé au-delà de l’enceinte du XIe siècle, va constituer au XIIe siècle un des pôles de développement de la rive droite, à partir de la décision prise en 1137 par Louis VI le Gros (1108-1137) d’y créer un « marché neuf » [2]. Ce marché va se développer à la convergence de plusieurs voies : la route qui mène à Saint-Denis [rue Saint-Denis] ; celle qui conduit vers la Normandie [rue Saint-Honoré], qui n’est peut-être qu’un chemin rural à cette époque ; « le chemin de poissonniers [rues Poissonnière, des Petits-Carreaux, Montorgueil], contournant vers l’Est la colline de Montmartre [et] un chemin de terre [rue Montmartre] descendant directement de la colline elle-même [3] ». A proximité, le vieux cimetière des Innocents, diffus et très vaste, était un lieu ancien de rendez-vous commerciaux [4].
« La création du marché des Champeaux […] va entraîner des conséquences très importantes quant à l’extension de la ville vers le nord-ouest, tandis que, dès le début du siècle, les marais entourant Paris – l’ancien lit de la Seine – sont mis en culture par les chanoines de Sainte-Opportune et l’évêque [5] ».

Grandes chroniques de France, XVe siècle.
Sous Louis VI et Louis VII (1137-1180), le marché des Champeaux se tient en plein air. En 1181, Philippe II Auguste (1180-1223) y transfère la foire Saint-Lazare qui, par un privilège accordé en 1110 par Louis VI à la léproserie Saint-Lazare, se tenait de la Saint Marcel (3 novembre) à la Saint Martin (11 novembre) [6], sur la voie de Saint-Denis – à la hauteur du carrefour actuel de la rue du Faubourg-Saint-Denis et du boulevard Magenta [7] – juste au-delà de la zone de marais. En 1182, le marché des Champeaux – qui regroupait à l’origine des drapiers, des tisserands, des cordonniers, des pelletiers, des fripiers, des poissonniers [8], puis des merciers, des marchands de blé, des marchands de légumes [9] – s’agrandit à la suite de la démolition des maisons confisquées lors de l’expulsion des Juifs. En 1183, on commence à y construire les deux premières halles – la halle du commun, la halle au blé – qui, entourées de murs percés de portes fermées la nuit, peuvent désormais servir d’entrepôts aux marchands [10]. De nouveaux bâtiments sont construits sous les règnes de Saint Louis (1226-1270) et de Philippe III le Hardi (1270-1285) « et, vers 1300, la disposition des Halles de Paris est à peu près définitive pour plusieurs siècles, entre les Innocents et la rue Saint-Denis à l’est, la Charronnerie et la Ferronnerie, au sud, la Tonnellerie, à l’ouest, la « pointe » Saint-Eustache et le pilori, au nord [11]. »
A partir de 1190, la région des Champeaux va être bouleversée par une autre décision royale : la construction d’une nouvelle enceinte pour protéger Paris. Cette construction, en assurant la sécurité du large espace qu’elle enferme, va contribuer à son urbanisation [12].
Autour des Halles, des voies nouvelles sont alors tracées [13]. A l’est du marché, sept voies parallèles assurent, du nord au sud, la liaison avec la rue Saint-Denis : la rue Mauconseil [rue Etienne-Marcel], qui longe le rempart intra-muros, et les rues du Cygne, de la Grande-Truanderie, de la Chanvrerie [rue Rambuteau], des Prêcheurs, de la Cossonnerie, du Feurre [rue Berger]. A l’ouest du marché, trois rues parallèles et équidistantes débouchent, d’ouest en est, sur la rue Saint‑Honoré : les rues des Vieilles-Etuves [rue Sauval], du Four [rue Vauvilliers], des Prouvaires, reliées transversalement par la rue des Deux-Ecus [rue Berger].
D’autres voies sont créées en parallèle aux remparts : la rue du Jour, intra-muros, et les rues de Grenelle et Plâtrière [rue Jean-Jacques Rousseau], extra-muros [14].
La croissance de la ville au nord-ouest est telle qu’au XIIIe siècle, elle déborde de ses limites. Au-delà des remparts, un tissu urbain se constitue à partir des voies débouchant de la porte Saint-Honoré, de la poterne Coquillier, des portes Montmartre et Saint-Denis. S’établissent ainsi extra-muros des demeures de l’aristocratie qu’attire la proximité du Louvre, tels les hôtels d’Artois, de Flandre, de Dreux, de Vendôme, ou l’hôpital des Quinze-Vingts, fondé par Saint Louis vers 1260 [15].
CARTES
Michel Huard, Atlas historique de Paris :
BIBLIOGRAPHIE
BOUDON Françoise, CHASTEL André, LOUZY Hélène, HAMON Françoise, Système de l’architecture urbaine. Le quartier des Halles à Paris, Paris, CNRS, 1977, 2 vol.
BOUSSARD Jacques, Nouvelle histoire de Paris : De la fin du siège de 885-886 à la mort de Philippe Auguste, Paris, Association pour une histoire de la ville de Paris, Hachette, 2e éd. 1996, 457 p.
CAZELLES Raymond, Nouvelle Histoire de Paris : Paris de Philippe Auguste à Charles V, Paris, Association pour une histoire de la ville de Paris, Hachette, 1994, 478 p.
CHADYCH Danielle, LEBORGNE Dominique, Atlas de Paris. Evolution d’un paysage urbain, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 1999, 199 p.
LOMBARD-JOURDAN Anne, Paris, genèse de la ville. La rive droite de la Seine des origines à 1223, Paris, CNRS, 1976, 273 p.
LORENTZ Philippe, SANDRON Dany, Atlas de Paris au Moyen Age. Espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2006, 237 p.
PINON Pierre, BOISSIERE, Aurélie, Atlas historique des rues de Paris, Paris, Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2016, 158 p.
ROULEAU Bernard, Le tracé des rues de Paris, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1975, 129 p. [1ère édition.1967]
ROULEAU Bernard, Paris. Histoire d’un espace, Paris, Editions du Seuil, 1997, 492 p.
NOTES
[1] Cité in LOMBARD-JOURDAN 1976, p. 59
[2] BOUSSARD 1996, p. 170
[3] ROULEAU 1975, p. 48
[4] LOMBARD-JOURDAN 1976, p. 91
[5] ROULEAU 1997, p. 69
[6] LORENTZ 2006, p. 198
[7] LORENTZ 2006, p. 196
[8] CHADYCH 1999, p. 36
[9] BOUSSARD 1996, p. 302
[10] BOUSSARD 1996, p. 316
[11] CAZELLES 1994 p. 388
[12] ROULEAU 1975, p. 53
[13] PINON 2016, pp. 26 et 28
[14] LORENTZ 2006, p. 40 (carte)
[15] BOUDON 1977, vol. I, p. 18 – CAZELLES 1994, pp. 19-21
ILLUSTRATION
LOMBARD-JOURDAN, Anne. Documents iconographiques in : Les halles de Paris et leur quartier (1137-1969),Paris, Publications de l’École nationale des chartes, 2009 (généré le 08 mars 2019) (lire en ligne). ISBN : 9782357231054. DOI : 10.4000/books.enc.245.
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