C’est au XIe siècle que s’amorce la croissance de la ville sur la rive droite.
Auparavant, on dispose d’indices attestant d’occupations – temporaires ou dispersées – des monceaux et, à l’époque mérovingienne, de nécropoles associées à des sanctuaires : Saint-Germain-l’Auxerrois, les Innocents, Saint-Pierre (devenu Saint-Merry), Saint-Gervais, Saint-Paul-des-Champs, Saint-Martin-des-Champs, Saint-Laurent [1].
Mais il faut dater des environs de l’an 1000 la première étape de la constitution d’un tissu urbain, à partir des monceaux Saint-Gervais, Saint-Merry et Saint-Germain-l’Auxerrois.
Ces monceaux présentent deux avantages. Ils sont au bord du fleuve, au débouché de l’île de la Cité, à l’abri des inondations mais en un lieu propice au mouillage. Ils se situent au point de rencontre des deux grands axes de circulation nord-sud (rues Saint-Denis et Saint-Martin) et est-ouest (rues Saint-Antoine, du Roi-de-Sicile, de la Verrerie, des Lombards).

Quand la population ne tient plus dans les limites étroites de l’île, s’amorce ici un processus de développement dont on peut mesurer l’ampleur à la construction de l’enceinte qui, dès le XIe siècle, va protéger l’espace urbanisé. « Les vestiges [de cette enceinte], très ténus, ne permettent pas d’en restituer avec certitude la totalité du tracé. Deux accès sont cités dans les textes, la porte Baudoyer, près de la place du même nom, et l’archet Saint-Merri, qui, près de l’église éponyme, fermait la rue Saint-Martin. Des découvertes archéologiques permettent de restituer un fossé large d’une dizaine de mètres pour 2,5 à 3 mètres de profondeur. La terre qui en était extraite formait en arrière une levée, au sommet de laquelle étaient plantées des lices crénelées de bois. Ce fossé perpendiculaire à la Seine, situé à peu près à la hauteur du pont Louis-Philippe, obliquait progressivement vers le nord-ouest, plus nettement à partir des numéros 3‑5 de l’actuelle rue du Bourg-Tibourg, où une irrégularité du parcellaire trahit l’inflexion du tracé. De là, l’enceinte devait rejoindre de manière rectiligne l’archet Saint-Merri. Au-delà, vers l’ouest, où aucun vestige n’a été pour l’instant repéré, il est probable que le fossé débouchait directement sur les fortifications de Saint-Germain-l’Auxerrois », sur le tracé des actuelles rues Perrault et de l’Amiral de Coligny [2] .
Au XIIe siècle, le développement se poursuit par la création du port de la Grève – par un acte de Louis VII (1137-1180) daté de 1141 [3] – et du port des Templiers – au débouché de la rue Vieille-du-Temple. Également par la migration depuis l’île de la Cité de plusieurs métiers. « Les bouchers étaient au parvis de Notre-Dame entre la cathédrale et l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs. [Sous le règne de Louis VII] la Grande Boucherie émigre outre Grand-Pont […] sur le monceau qui porte la tour Saint-Jacques […] Ils attirent à eux l’alimentation et beaucoup d’autres commerces […] Peu à peu, toutes les rues du quartier prennent des noms de métier [4]» : rues de la Boucherie, de la Triperie, du Pied-de-Bœuf, de l’Ecorcherie, de la Heaumerie, de la Sellerie, de la Ferronnerie, de la Poterie, de la Verrerie, de la Tixanderie [5]… « Dans la rue des Lombards, sont installés les prêteurs sur gage venus de Lombardie [6]». Sur l’actuel Pont-au-Change, sont installés les changeurs.

Au débouché du Pont-au-Change, la forteresse du Grand Châtelet – construite sous Louis VI le Gros (1108-1137) – affirme la présence royale. Elle est le siège du prévôt de Paris dont les fonctions d’abord financières – percevoir les droits qui appartiennent au souverain dans la ville – deviennent ensuite de police et de justice. Le Grand Châtelet abrite son administration : le lieutenant civil, le lieutenant criminel, les auditeurs (conseillers), les examinateurs (chargés des enquêtes) et les notaires dits du Châtelet, ainsi qu’une prison et une morgue [7].
A proximité immédiate du Grand Châtelet, le Parloir-aux-Bourgeois atteste de l’émergence d’un nouveau pouvoir, celui de la municipalité. « Paris n’a jamais été, au Moyen Age, ville de commune. Jamais elle n’a obtenu droits ou franchises d’une charte négociée […] Mais Paris a tout de même fondé une autorité bourgeoise, par un procédé particulier : le commerce de navigation sur la Seine. Les marchands de l’eau, les mercatores aquae, n’apparaissent de façon précise, avec ce nom, que sous le règne du roi Louis VII, dans un diplôme de l’année 1171 [8] ». Réunissant des gens dont le commerce exige l’importation ou l’exportation de marchandises par la voie d’eau, la hanse – l’association – des marchands de l’eau obtient du roi que nul ne puisse conduire des marchandises sur la Seine, entre les ponts de Mantes et ceux de Paris, s’il n’est Parisien hansé ou associé à un membre de la hanse [9]. Dès les années 1220, la hanse partage avec la justice ordinaire du roi la juridiction sur la ville quand il s’agit de juger des affaires touchant au monopole de navigation ou de traiter des pratiques commerciales, de la concurrence, de la qualité des produits, des poids et mesures, des prix et salaires [10]. En 1263, les fonctions de prévôt des marchands et d’échevins sont attestées pour la première fois [11]. C’est l’ébauche d’une administration municipale qui s’installera un peu plus tard, en 1357, dans la Maison aux Piliers de la place de Grève [12].
CARTES
Michel Huard, Atlas historique de Paris :
BIBLIOGRAPHIE
BOUSSARD Jacques, Nouvelle histoire de Paris : De la fin du siège de 885-886 à la mort de Philippe Auguste, Paris, Association pour une histoire de la ville de Paris, Hachette, 2e éd. 1996, 457 p.
BUSSON Didier, Carte archéologique de la Gaule : Paris, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1998, 607 p.
CAZELLES Raymond, Nouvelle Histoire de Paris : Paris de Philippe Auguste à Charles V, Paris, Association pour une histoire de la ville de Paris, Hachette, 1994, 478 p.
FAVIER Jean, Paris, deux mille ans d’histoire, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1997, 1007 p.
LAVEDAN Pierre, Nouvelle Histoire de Paris : Histoire de l’urbanisme à Paris, Paris, Association pour la publication d’une Histoire de Paris, 1993, 732 p. (avec un supplément de Jean Bastié) [1ère édition.1975]
LORENTZ Philippe, SANDRON Dany, Atlas de Paris au Moyen Age. Espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2006, 237 p.
NOTES
[1] BUSSON 1998, p. 500-516
[2] LORENTZ 2006, p. 29
[3] BOUSSARD 1996, p. 162
[4] LAVEDAN 1993, p. 97-98
[5] LORENTZ 2006, p. 201 (carte)
[6] LAVEDAN 1993, p. 97-98
[7] CAZELLES 1994, p. 183-186 – LORENTZ 2006, p. 186-187
[8] CAZELLES 1994, p. 197
[9] BOUSSARD 1996, p. 161 – CAZELLES 1994, p. 198
[10] FAVIER 1997, p. 558
[11] CAZELLES 1994, p. 200-201
[12] LAVEDAN 1993, p. 119
ILLUSTRATIONS
(1) Rue François-Miron – PI (mars 2019)
(2) Le Grand Châtelet, dessin anonyme – Gallica BNF
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Une réflexion sur “Saint-Gervais et Saint-Germain-l’Auxerrois 1000-1300”
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