La croissance de la population parisienne au XVIIe siècle entraîne l’expansion de la ville. Intra-muros – mais cette expression va perdre de son sens en 1670 quand Louis XIV fera de Paris une ville ouverte – les espaces demeurés vides achèvent de s’urbaniser. Extra-muros, le développement des faubourgs gagne en complexité, débordant des lignes de croissance repérées depuis le XIe siècle et se démultipliant sur des axes nouveaux.

La population parisienne

Pour quantifier la population parisienne au XVIIe siècle, on se heurte, comme pour les périodes précédentes, à l’insuffisance des sources disponibles. On a vu que la ville pouvait compter quelque 350 000 habitants en 1588, 300 000 en 1600 (voir Paris 1450-1600, vue d’ensemble). Pour 1637, ce chiffre pourrait être de quelque 400 000, selon l’estimation faite par les commissaires du Châtelet, à partir du nombre des maisons, donné à quelque 20 000. Pour 1688, les estimations sont de 488 000 habitants selon le statisticien anglais Petty ; et pour 1692, de 500 000 selon un autre Anglais, Bronley [1]. Le chiffre de 484 806 est par ailleurs proposé par Charles Le Maire, dans son Paris ancien et nouveau publié en 1685, à partir du nombre des maisons, donné à cette date à 23 086 [2]. La croissance de la population est donc certaine et, en admettant une marge d’erreur, sans doute de l’ordre de 150 000 habitants en un siècle, ce que traduit bien l’expansion de l’espace urbanisé.

L’espace urbanisé

Intra-muros, les espaces demeurés vides sont peu à peu occupés. A l’est, la Couture du Temple et la Couture Saint-Gervais sont lotis à partir de 1608 [3] (voir Le Marais 1600-1700). A l’ouest, le lotissement du quartier Richelieu amorce, à partir de 1634 [4], l’urbanisation des terrains de culture et de maraîchage insérés entre l’enceinte de Charles V et l’enceinte dite des Fossés Jaunes (voir L’enceinte des Fossés Jaunes et la croissance de Paris vers l’ouest). Sur la Seine, les terrains vagues qui séparent, dans l’île de la Cité, le Pont-Neuf – bâti entre 1578 et 1606 – du palais sont lotis à partir de 1608 pour créer la place Dauphine. L’île Saint-Louis, où pâturaient des vaches, se couvre de constructions entre 1618 et 1660 [5] (voir Le lotissement de l’île Saint-Louis).

La place Dauphine aujourd’hui.

Mais surtout, les faubourgs s’étendent. Le développement du faubourg Saint-Germain, jusque-là axé sur la route de Sèvres, se démultiplie sur des axes parallèles à la Seine – la rue de Lille, la rue de l’Université, la rue Saint-Dominique, la rue de Grenelle, la rue de Varenne – le premier acte étant le lotissement de la Reine Margot, engagé en 1622 [6] (voir Le lotissement de la reine Margot). Tandis que le faubourg Saint-Honoré atteint le Roule, la création du Cours-la-Reine en 1628, puis l’aménagement du jardin des Tuileries et du Grand-Cours [les Champs-Elysées] entre 1664 et 1682 [7] ouvrent de nouveaux espaces entre ce faubourg et la Seine. Partout, les rues-faubourgs s’allongent, les espaces intermédiaires s’urbanisent, le tissu urbain se densifie, d’anciennes voies de traverse commencent à se bâtir.

Aux confins de la ville, l’hôpital Saint-Louis (fondé par Henri IV au moment de l’épidémie de peste de 1606), l’hôpital de la Salpêtrière (érigé à partir de 1658 en vue d’interner les indigents), l’hôtel des Invalides (fondé en 1670 pour accueillir les anciens soldats infirmes ou âgés), surgissent en pleine campagne [8].

L’enceinte des Fossés Jaunes

Les premiers travaux visant à transformer les fortifications de Charles V en enceinte bastionnée pour adapter les défenses aux progrès de l’artillerie ont été entrepris puis interrompus dans la seconde moitié du XVIe siècle (voir Le développement des faubourgs 1450-1600). Ils sont repris en 1631, entre la Seine et la porte Saint-Denis, en  vue de réaménager les deux bastions déjà construits à hauteur du jardin des Tuileries et de les relier à la porte Saint-Denis en débordant l’enceinte de Charles V par l’ouest. De nouvelles portes sont alors édifiées : portes de la Conférence [quai des Tuileries, à hauteur de l’Orangerie], Saint-Honoré [à hauteur du 422 rue Saint-Honoré], Richelieu [à hauteur du 80 rue de Richelieu], Montmartre [à hauteur du 158 rue Montmartre], Poissonnière [à hauteur du 40 rue Poissonnière]. Au-delà, entre la porte Saint-Denis et la Bastille, l’enceinte de Charles V est remaniée à partir de 1635, mais le tracé et les portes (Saint-Denis, Saint-Martin, du Temple, Saint-Antoine) sont conservés [9].

Dès 1652 toutefois, « comme le montre le plan de Gomboust […] les bastions n’étaient plus […] que des buttes plus ou moins informes, sur lesquelles ont avait établi des moulins, notamment entre la rue Saint-Martin et l’actuelle rue Volta et entre la rue du Temple et l’actuelle rue Charlot. En revanche, les deux bastions les plus proches de la Bastille, l’un entre les rues Saint-Claude et Saint-Gilles, l’autre entre la rue du Pas-de-la-Mule et la rue de la Bastille, avaient été entretenus [10] ».

Paris, ville ouverte

En 1670, Louis XIV, confiant dans la puissance de ses armées, et fort du succès des guerres de conquête du début du règne qui ont conduit au traité d’Aix-la-Chapelle de mai 1668, décide que ses victoires éliminent toute menace sur sa capitale. Par lettres patentes d’août 1676, il ordonne la destruction des fortifications : les bastions et courtines de la nouvelle enceinte rive droite ; et ce qui subsistait du mur de Philippe-Auguste rive gauche. Les lignes de défense seront reportées sur les frontières, protégées par les places fortes bâties par Vauban, nommé commissaire général des fortifications en 1678.

La Porte Saint-Martin et le Nouveau Cours,
dessin de Jean-Baptiste Lallemand (1716-1803).

Paris devient alors une ville ouverte. A la place des fortifications, Pierre Bullet, architecte de la Ville, réalise de 1668 à 1705, le « Nouveau Cours » entre les portes Saint-Antoine et Saint-Honoré. Une chaussée pavée large d’environ 20 mètres, et bordée de deux contre-allées garnies chacune de deux rangées d’arbres, enserre alors la partie dense de la ville, sur le tracé actuel des Grands Boulevards. Des portes monumentales en marquent les limites, dont subsistent la porte Saint-Denis, bâtie en 1672, et la porte Saint-Martin, en 1676. Sur la rive gauche, ces travaux sont à peine ébauchés ; le Cours ne sera aménagé qu’au XVIIIe siècle [11].

CARTES

Michel Huard, Atlas historique de Paris :

Cartes du XVIIe siècle :

BIBLIOGRAPHIE

CHADYCH Danielle, LEBORGNE Dominique, Atlas de Paris. Evolution d’un paysage urbain, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 1999, 199 p.

DETHAN Georges, Nouvelle Histoire de Paris : Paris au temps de Louis XIV, Paris, Association pour la publication d’une histoire de Paris, Hachette, 1990, 510 p.

FIERRO Albert, Histoire et dictionnaire de Paris, Paris, Robert Laffont, 1996, 1220 p.

GAGNEUX Renaud, PROUVOST Denis, Sur les traces des enceintes de Paris, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2004, 241 p.

ROULEAU Bernard, Paris. Histoire d’un espace, Paris, Editions du Seuil, 1997, 492 p.

NOTES

[1] DETHAN 1990, p. 177

[2] FIERRO 1996, p. 281

[3] CHADYCH 1999, p. 68

[4] CHADYCH 1999, p. 64

[5] CHADYCH 1999, p. 72

[6] CHADYCH 1999, p. 76

[7] CHADYCH 1999, p. 70

[8] CHADYCH 1999, p. 60 et p. 80

[9] Pour cette partie, la source est GAGNEUX 2004, p. 84-137

[10] ROULEAU 1997, p. 227

[11] CHADYCH 1999, p. 82

ILLUSTRATIONS

(1) Place Dauphine – PI (mars 2019)

(2) Dessin de Jean-Baptiste Lallemand – Gallica BNF

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