Entre l’an mille et 1300, la croissance de Paris sur la rive gauche, vers l’ouest, évoque un modèle déjà rencontré vers le nord, sur la rive droite (voir Saint-Martin-des-Champs et le Temple 1000-1300) : une ligne de croissance suivant une grand-route – en l’occurrence la route de Dreux, partant du Petit-Pont pour rejoindre Sèvres – et orientée vers un pôle de croissance situé en dehors de la ville – ici, l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dont l’enclos s’inscrit dans un périmètre que décriraient aujourd’hui les rues Saint-Benoît, Jacob, de l’Echaudé et le boulevard Saint-Germain [1].

Saint-Germain-des-Prés aujourd’hui (clocher -porche)

Sur cette région, nos connaissances sont lacunaires. « L’abbaye Saint-Germain-des-Prés, qui a été l’une des plus considérables de la France, a produit un très-grand nombre de savants ; on serait donc disposé à croire que ses archives, riches et soigneusement conservées, contiennent de nombreux renseignements topographiques, tant sur le bourg lui-même que sur l’abbaye et ses diverses propriétés foncières. Il n’en est cependant point ainsi. Les archives de l’abbaye, bien qu’elles nous aient été léguées presque intactes, ne contiennent, sur le bourg Saint-Germain, qu’une très-petite quantité de titres du XIIIe et du XIVe siècle, pour la plupart sans application possible. [2] »

Nous disposons toutefois d’une charte de 1174-1175, qui atteste qu’un bourg s’est développé aux abords de l’abbaye – existait-il dès l’origine ? – et d’une bulle pontificale de 1180, qui nous apprend que ce bourg comptait plusieurs paroisses [3]. Outre un oratoire dédié à Saint Martin – à hauteur de l’intersection des actuelles rues Saint-Benoît et Jacob – nous connaissons une église dédiée à Saint Pierre – à hauteur de l’intersection du boulevard Saint-Germain et de la rue Saints-Pères – et une église dédiée à Saint-Sulpice – à l’emplacement de l’actuelle église de ce nom [4]. Quant au bourg, il faut le situer au sud de l’abbaye, du côté de la route de Sèvres. Au XIIIe siècle, « les maisons du bourg s’étendaient jusqu’aux rues du Vieux-Colombier et des Saints-Pères [5] » tandis que, vers l’est, elles rejoignaient la porte Saint-Germain (porte de Buci) [entre les n° 57-59 et 66 de la rue André-des-Arts] [6] ouverte dans l’enceinte de Philippe-Auguste, construite sur la rive gauche entre 1200 et 1215 [7].

A cet endroit, la jonction se fait avec le tissu urbain constitué sur les terres intra-muros de l’abbaye, après que la construction des fortifications a coupé en deux le Clos de Laas. On a déjà évoqué l’urbanisation de ce clos (voir Au pied de la Montagne Sainte-Geneviève 1000-1300). On peut ajouter que, au début du XIIIe siècle, le développement du bâti le long de l’actuelle rue de l’Ecole-de-Médecine puis la création du couvent des Cordeliers vont conduire au percement en 1240 d’une nouvelle porte dans le rempart, dite porte des Cordeliers puis porte Saint-Germain [à hauteur de la rue Dupuytren] après que la première porte de ce nom aura pris le nom de porte de Buci [8]. Cette double ouverture vers l’abbaye va contribuer au développement du bourg où, dans la seconde moitié du siècle, viennent s’installer, encouragés par les abbés, des banquiers siennois et de nombreux clercs venus d’autres diocèses. Ainsi s’amorce la transformation de ce qui reste toutefois à cette époque un bourg rural aux portes de Paris, où vivent deux cents familles imposables en 1292, soit environ 850 habitants [9].

CARTES

Michel Huard, Atlas historique de Paris :

BIBLIOGRAPHIE

BERTY Adolphe, TISSERAND Lazare-Maurice, Topographie historique du vieux Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1866-1897, vol III, Région du Bourg Saint-Germain, 423 p.

BOUSSARD Jacques, Nouvelle histoire de Paris : De la fin du siège de 885-886 à la mort de Philippe Auguste, Paris, Association pour une histoire de la ville de Paris, Hachette, 2e éd. 1996, 457 p.

GAGNEUX Renaud, PROUVOST Denis, Sur les traces des enceintes de Paris, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2004, 241 p.

LORENTZ Philippe, SANDRON Dany, Atlas de Paris au Moyen Age. Espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2006, 237 p.

ROULEAU Bernard, Le tracé des rues de Paris, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1975, 129 p. [1ère édition 1967]

NOTES

[1] LORENTZ 2006, p. 133 (carte)

[2] BERTY 1866-1897, III p. 5

[3] BOUSSARD 1996, pp. 180-181

[4] BOUSSARD 1996, p. 185

[5] BERTY 1866-1897, III p. 8

[6] GAGNEUX 2004, p. 61

[7] GAGNEUX 2004, p. 22

[8] ROULEAU 1975, p. 50

[9] LORENTZ 2006, pp. 44-45

ILLUSTRATION

Hadrien Vial [CC BY 2.0] via Wikimedia Commons

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