Quelle est l’origine de Paris ? A partir de quel moment un habitat permanent s’est-il établi sur son sol ? Y a-t-il eu un premier noyau urbain antérieur à l’époque gallo-romaine ?
Il n’existe pas de réponse certaine à ces questions.
Il existe des traces d’une présence humaine dès le paléolithique inférieur, il y a plus de 100 000 ans : des bifaces retrouvés à Montmartre, à Grenelle et autour de la place d’Italie [1]. Sur le site de Bercy, des pirogues en bois découvertes en 1999 attestent d’une circulation sur le fleuve à l’époque néolithique, voici 6500 ans [2]. De l’âge des métaux, voici 3000 ans, datent des haches à ailerons, un casque, une enclume découverts dans le quartier de La Villette, des épées, des poignards, des pointes de lance, des javelots, des bracelets, des épingles, sortis de dragages de la Seine entre le pont National et le pont de Bercy [3].
Tout cela rend compte d’une occupation humaine, mais ces installations pouvaient être – étaient sans doute – temporaires et discontinues. Elles ne disent donc rien de l’origine de la ville.

A partir du IIIe siècle avant J-C, est identifiée la présence d’un peuple celte : les Parisii [4]. « Les premiers témoignages solides sur le rôle économique et la richesse du peuple des Parisii sont constitués par leur monnayage. On possède un nombre important de statères d’or répartis en sept classes selon la taille, le poids et l’aloi. Le droit représente le visage d’Apollon, le revers un cheval au galop. [5] » Les nautes « trafiquent de tout, des produits de la campagne et des forêts du voisinage aussi bien que des produits lointains comme l’étain insulaire ou les bronzes manufacturés qui viennent dès le IIIe siècle par Marseille de l’aire hellénistique [6] ».
Les Parisii disposent d’au moins un oppidum, Lutèce – dont parle Jules César dans la Guerre des Gaules. Mais s’agissait-il d’un habitat permanent ? Les oppidums défensifs des Celtes, construits sur des hauteurs ou sur des îles, pouvaient n’être que des refuges temporaires [7]. Et surtout, où cet oppidum était-il situé ? Sur l’île de la Cité ? mais on n’a trouvé sur l’île aucune trace certaine d’habitations antérieures à l’époque romaine [8]. Ou bien sur la rive droite, protégé par la rivière et la zone des marais [9] ? Ou bien en dehors des limites actuelles de Paris, peut-être à Nanterre où les fouilles du début des années 1990 ont révélé l’existence d’un habitat gaulois de la fin du IIe au Ier siècle avant Jésus-Christ ?
De fait, la question du premier noyau urbain reste ouverte.
Une chose est toutefois certaine : dans ce récit des origines, la Seine joue un rôle déterminant.
Le fleuve que connaissent les Celtes est très différent de celui d’aujourd’hui. « La complexité originelle du fleuve sauvage et de ses affluents (particulièrement la Bièvre à son débouché), formant un écheveau de plusieurs chenaux successifs ou contemporains, des marais et des îlots plus ou moins inondables, n’existe plus [10]. » A disparu aussi – mais elle a perduré jusqu’au XVIe siècle – la zone de marais qui cernait la rive droite, sur l’ancien cours de la Seine.
Vers -10 000, le fleuve passait au pied des collines de Belleville, Montmartre et Chaillot. Il suivait une large courbe que dessineraient aujourd’hui le port de l’Arsenal, les Grands Boulevards jusqu’à la place de la République, les rues du Château-d’Eau, des Petites-Ecuries, Richer, de Provence, de la Pépinière, la Boétie, Marbeuf, l’avenue Georges V, la place de l’Alma [11]. A une date inconnue, peut-être du fait d’une crue importante, le fleuve prend son cours actuel en s’engageant dans ce qui était sans doute un lit creusé par la Bièvre [12]. L’ancien méandre se transforme alors en une vaste zone de marais, ne laissant circuler qu’un courant réduit « peut-être alimenté et animé par un ru, le ru de Ménilmontant, qui proviendrait des eaux pluviales captées par les bassins versants des collines de Charonne, Ménilmontant, Belleville et Montmartre [13] ». Le nom des rues des Rigoles, des Cascades, de la Mare en conserve la mémoire à Belleville [14].
Dans ce paysage, on comprend l’importance des îles – l’île de la Cité existe dès l’époque préhistorique, sans avoir toutefois la superficie de l’île actuelle (8 ou 9 ha au lieu de 17) [15] – des monceaux – Saint-Martin-des-Champs, Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Merry/Saint-Jacques, Saint-Gervais, Saint-Paul, Saint-Germain-des-Prés [16] – et des collines – Ménilmontant, Belleville, Montmartre, Chaillot, la Montagne-Sainte-Geneviève. Iles et monceaux, à l’abri des crus, ont très certainement servi de points d’appui pour le passage du fleuve et de la zone de marais et de refuges pour les premiers habitats permanents.
CARTE
Michel Huard, Atlas historique de Paris, Le site de Paris
BIBLIOGRAPHIE
BLUMENFELD Hervé, COULAIS Jean-François, DUGENY François, PINON Pierre, Paris et l’Ile-de-France, Paris, Belin, Collection Terre de Villes, 2003, 226 p.
BOUSSARD Jacques, Nouvelle histoire de Paris : De la fin du siège de 885-886 à la mort de Philippe Auguste, Paris, Association pour une histoire de la ville de Paris, Hachette, 2e éd. 1996, 457 p.
BUSSON Didier, Carte archéologique de la Gaule : Paris, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1998, 607 p.
CHADYCH Danielle, LEBORGNE Dominique, Atlas de Paris. Evolution d’un paysage urbain, Paris, Editions Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 1999, 199 p.
DUVAL Paul-Marie, Nouvelle Histoire de Paris : De Lutèce oppidum à Paris capitale de la France, Paris, Association pour la publication d’une histoire de Paris, Hachette, 1993, 402 p.
FAVIER Jean, Paris, deux mille ans d’histoire, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1997, 1007 p.
FIERRO Albert, Histoire et dictionnaire de Paris, Paris, Robert Laffont, 1996, 1220 p.
LOMBARD-JOURDAN Anne, Paris, genèse de la ville. La rive droite de la Seine des origines à 1223, Paris, CNRS, 1976, 273 p.
NOTES
[1] CHADYCH 1999, p. 18
[2] CHADYCH 1999, p. 19
[3] CHADYCH 1999, p. 19
[4] DUVAL 1993, p. 28
[5] FIERRO 1996, p. 10
[6] FAVIER 1997, p. 22
[7] BLUMENFELD 2003, p. 19
[8] BUSSON 1998, p. 56
[9] LOMBARD-JOURDAN 1976, p. 8-14
[10] BUSSON 1998, p. 48
[11] CHADYCH 1999, p. 14
[12] CHADYCH 1999, p. 14
[13] BUSSON 1998, p. 51
[14] CHADYCH 1999, p. 17
[15] BOUSSARD 1996, p. 11
[16] BUSSON 1998, p. 53
ILLUSTRATION
Musée Carnavalet [CC BY-SA 3.0] via Wikimedia Commons
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Une réflexion sur “L’origine de Paris”
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